À cache-cache avec Pinocchio















Fabulation ou certitude. Je joue avec Pinocchio, le roi des menteurs.

Moi seule sais la vérité.

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Notre départ est enfin tout proche. Destination : le Vietnam.

Chau, un ancien collègue vietnamien, organise le voyage. Quelques semaines avant de partir, il a tenu à nous énoncer en personne, ses recommandations. Si nous voulons jouir d'un beau voyage sans  maladie, sans accident, sans craindre le paludisme ou mille autres problèmes, il faut se plier à ses directives. 

Premier conseil d'importance : renforcer notre système immunitaire pour résister à tout. Rien de plus simple, prendre des probiotiques. Ils nous protégeront.

Deuxième conseil inattendu : apprendre, en vietnamien, une prière pour se placer sous la protection de Bouddha, le sage dieu rondouillard. Il nous protégera.

Prière mémorisée de façon phonétique sans connaître le sens de mots qui ne me parlent pas mais une confiance absolue envers Chau. 

Chaque matin avant le départ, nous nous rassemblons et récitons notre prière avec conviction et un semblant de foi réelle. Tout va bien, les visages heureux en témoignent. Richesse des couleurs, pagodes indescriptibles de beauté, banians aux longues branches filiformes qui descendent jusqu'au sol, délicatesse des fleurs de frangipanier, pollution entêtante, circulation folle qui ondule sans aucun contrôle. Traverser la rue relève d'une confiance aveugle.

À Hué, visite d'une pagode réputée. Tuiles vernissées. Structure basse. Espace enveloppant de recueillement. Trop de visiteurs. Nous devons attendre pour entrer. Alors dans le silence du jardin, nous récitons notre prière plusieurs fois. À la fin de notre incantation répétée, un cercle de curieux, tous vietnamiens, s'est formé autour de nous. Ils vont voir Chau, s'informent, s'étonnent. Leur sourire de remerciement nous touche, nous réconforte. L'entrée de la pagode nous est ouverte. Des centaines de lanternes rouges accrochées au plafond nous accueillent pour un moment de plénitude. 

Bien des années plus tard, je sais encore la prière!

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Pinocchio écoute! Il faut que tu devines.

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Notre départ est enfin tout proche. Destination : la Norvège.

Un rêve d'enfance à réaliser. Au-delà du cercle polaire arctique, je veux voir le soleil de minuit. 

Nous partons pour un parcours à fleur d'eau. le long de côte norvégienne. Quelques 3000 kilomètres entre Bergen, où nous embarquons et Kirkenes où nous descendrons, au nord du nord. 

Sur le Trollfjord, notre navire, un sentiment de sécurité m'habite. Je suis sûre que tous les marins norvégiens ont hérité du sang de Vikings expérimentés. 

Avançant nuit et jour, notre express côtier dessert tous les petits ports disséminés sur les rivages de l'Atlantique. Sans parvenir à rejoindre la nuit, le ciel garde des couleurs d'aurore naissante. Tous les soirs, je guette le soleil qui semble descendre pour toucher l'eau et qui reprend doucement de la hauteur à travers brume, nuages et ciel délavé par les reflets de la mer.   

Dès le matin, j'attends les escales dans des villages de pêcheurs où j'aime débarquer et me promener. L'horaire du parcours est affiché et la sirène sirène retentit pour annoncer le départ imminent du bateau. Une ponctualité strictement respectée par des marins efficaces.

Petites maisons de pêcheurs revivifiées autant par la couleur de leurs façades que par l'air pur. Bateaux rassemblés à l'abri dans le port. Senteurs de sel et de poissons séchés. Union sans limite du ciel et de l'océan. Parois en à-pic découpées aux ciseaux à denteler. Échancrure étourdissante dans des falaises vertigineuses. Je devine des vies qui grandissent dans la beauté simple des choses. J'éprouve la sensation d'être infiniment minuscule mais intégrée à cette démesure insondable. 

À mon retour, je garderai l'émotion vive d'avoir comblé un de mes rêves enfance. Et dans les souvenirs conservés précieusement, surgiront ces deux touristes descendus à l'escale de Kjollefjord, partis à la découverte du village, arrivés à la course sur le quai, après l'appel de la sirène et le début des manœuvres de départ du bateau. 

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Pinocchio 

As-tu deviné où est ton ami, le mensonge?


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