Chaque fois qu'une femme naît



Je me tiens dans un champ de blé. L’air goûte le beurrele temps me touche, sec, et le soleil frappe, en brûlure étoiles, dans mes yeux. Un vent s’insinue sous ma robe lilas, caresse mes mollets de son voile léger, fait frémir les tiges qui égratignent mes pieds. Mes cheveux boucles d’or dansent comme les récoltes. Ma peau se tend, en femme pleine comme la lune et me voici au soleil. Je me sens pourtant enveloppée.  

 

Je marche à travers les pousses, les laisse me chatouiller les paumes, comme envoutée. Je regarde le sol et le temps bourdonne. Le son enfle, ma mère miel pousse devant moi, juste là. Ma mère au goût d’automne, avec ses cheveux feuilles mortes couleur de rouille, ma mère aux mèches citrouilles.  

 

Elle me regarde et ne parle pas. Elle me regarde et ne bouge pas.  

 

Le vent frappe plus fort, le soleil se voile d’un nuage gris. La nuit prend sa place sans préavis. Ma grand-mère lune apparaît là. Ma grand-mère blanche aux plumes d’oie, ma grand-mère sombre aux tons de soie.  

 

Elle me regarde et ne parle pas. Elle me regarde et ne bouge pas.  

 

Je me sens forte, je me métamorphose en plurielle. Je suis nombreuse, je deviens elles. Ma sœur ébène arrive derrière. Ma sœur brume, ma sœur mystère. Ma sœur aux cheveux d’algues noires et de tonnerre, en yin-yang incarne la terre et toute la mer 

 

Elle me regarde et ne parle pas. Elle me regarde et ne bouge pas.  

 

D’autres femmes viennent, d’autres femmes partent, fières représentantes de mes vies éparses. C’est Mabon et je suis gonflée d’une autre femme qui, ici, naîtra. Mes aïeules, mes mères, mes sœurs, donneront naissance avec moi. On inspire ensemble, arrive le temps pour ma fille de blés de venir s’ajouter à notre ronde de femmes,

de femmes libérées. 

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