cri



 

Octobre 2020

 

1          Des oiseaux dont on a coupé les ailes ne trouvent pas mieux que de s’écraser sur un bout de tôle et m’accuser de leur malheur par le regard.

 

2-3      Prisonnier d’une lanterne, un colibri fixe un gribouillis. L’un et l’autre résistent vaillamment à l’écaillement de la peinture. Des fils électriques les traversent. Un oiseau en cage, des lettres qui ne disent plus rien; la notion de sens est nouvelle dans cette ruelle. 

 

4          Le nez au ciel, j’aperçois un dessin, très haut sur la façade d’un bâtiment. Arrivée devant l’édifice, je ne vois plus rien, l’angle ne le permet pas. Je lis seulement Nouvel An 16 dans le coin supérieur. J’aurais souhaité y être. Me voilà prise au piège. Ma route aujourd’hui est un cul-de-sac parce que je n’atteins pas le toit. 

 

Des flèches sur le trottoir retiennent mes pas en territoire habité.

 

Je me libère du mieux que je peux.

 

Musée de cour-arrière 

plywood

galon  

rouille;

un bidon de propane.

 

Le tableau pourrait prendre feu.

 

Il est formé de lettres qui ne parlent pas le langage des mots, mais celui des formes. On dirait la mer dans tous les sens; 

 

Blanc sur gris sur bleu sur noir


            Une tempête s’agite contre l’océan de béton.

                     

6          « Sous les autoroutes de la mer tourbillonne la sagesse de la Basse-ville, sédiment condensé sous forme de sol qui gruge les ruines; l’eau elle-même est un fossile qui ne s’est jamais trompé, » me dit une fenêtre et un cachalot non-loin. 

 

Ils dansent et le musée s’étend aux maisons, à la rue et à la ville, je marche dans un musée à aire ouverte. L’art prend le dessus sur la cité.

 

7          À côté de la mer et de ses tableaux, des vignes recouvrent lentement ce que je devine être le portrait d’un volcan de révolte. Rouge pour la lave et blanc pour la neige qui refroidit les braises. 

 

Des plantes recouvrent une révolte sprayée sur le mur par un autre oiseau aux ailes arrachées. La végétation agit comme cicatrisant.

Qui, de l’art ou de la plante, a davantage sa place sur la brique?

Les deux provoquent en duel le bâtiment, qui résiste aux assauts jusqu’à l’épuisement.

 

L’art prend le dessus sur la cité, et la nature prend le dessus sur l’art. C’est peut-être par l’art que la nature reprendra ses droits sur l’urbanité.

 

8          Maëlstrom, et je cite : entends-tu les gémissements du pissenlit sous le masque du béton?

 

9          Fenêtre condamnée, et je cite : j’entends.

 

10        Une autre vigne grandit sur le mur en face, s’élance, et ressemble elle aussi à un portrait de révolte. J’entends. 

 

Je n’ai jamais vu personne grapher le jour. Comment graphe-t-on sans lumière? 

 

Ni una menos dead men dont rape de phase en phase mon amour je ne guérirai jamais si tu me fourres dans ma blessure why are things not right when they should be ANARCO AFFECTIVITÉ pornocratie non merci beat my meat Devin Townsend Infinity 1998 CHE safe safe safe lâche pas Raph ich bine ein geist – 

 

je suis un fantôme. 

Pourquoi les valeurs que je devine gravées dans le bois de l’escalier Lavigueur se rapprochent-elles davantage des miennes que celles de la société dans laquelle je vis? Pourquoi vu de près, l’acte de vandalisme devient presque attendrissant? Un souffle de liberté, une lueur d’espoir. Une petite tentative de rébellion contre un système beaucoup trop puissant pour être affecté par le picorage de ces quelques oiseaux fantômes, qui n’ont pas d’ailes et qui demandent seulement un peu de lucidité.


Un cri.



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