No entiendo / Char fantôme

No entiendo



Trois heures du matin. Le taxi me dépose devant l’hôtel. C’est le chauffeur qui me le signifie. Je dormais. 
Pourtant moi qui apprécie le premier contact en sol étranger, cette fois-ci je n’en conserverai, aucun 
souvenir du moins c’est ce que je croyais, puisqu’il en sera autrement. 
Je n’ai pas terminé de régler la course que le portier, un vieil homme qui me fait penser à Pablo Escobar, s’affaire déjà à récupérer mes bagages dans le coffre arrière. Au moment où je me dirige pour ouvrir la portière, rien, ma main se heurte à un espace vide. Le mécanisme est inexistant. Je me bute à la même réalité de l’autre côté. En fait, je commence à paniquer. Surtout que j’ai perdu de vu l’homme qui est parti avec mes bagages. En temps normal, j’envoie un texto à ma blonde pour l’aviser que tout va bien, sauf que, cette fois-ci, je l’ai oublié. Anonyme, dans une ville de 12 millions d’étrangers. Dans mon sac à dos, déposé à mes pieds, l’essentiel s’y trouve; des clefs, mon passeport, des barres protéines, quelque vêtements, mais pas mon couteau, rien pour me défendre, mis à part mes deux mains. En plus, mes notions d’auto défense apprissent, les facultés affaiblies, à 2 h 30 dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier 2018, par l’entremise de mon beau-frère policier à la Sureté du Québec et donc l’embonpoint est plus l’une de ses caractéristiques physiques que ses aptitudes théoriques contre-attaques. Tout ça n’a rien de rassurant. Au téléjournal on parlera de moi au passé. Mon corps jamais retrouvé. Jeté aux ordures. Ma photo qui fera le tour du monde. On finira par oublier, par m’oublier.

L’homme de l’hôtel. Il revient, le pas pressé. Il ouvre la porte et s’excuse de m’avoir oublié.

Le chauffeur est sourd.


Char fantôme


C’est en sortant du guichet que je constate que Bernie n’est plus où nous nous étions laissé, il y a à peine douze minutes. J’ai bien beau scruter les environs, rien qui ne laisse présager ne serait-ce qu’une trace, un indice, de sa présence. Pourtant, je lui avais demandé de m’attendre là, au coin St-Cyrille et des Érables. Une fois ces courts questionnements derrière moi, je décide de me rendre à son appartement situé tout près. Après tout, où peut-il être en cette soirée de décembre ? Le vent, contre lequel je lutte, m’oblige à marcher tête baissée. Ma veste en cuir cheap ne m’offre pas une grande protection contre cet hiver que je trouve hâtif. Soudain, une voiture, tout phare éteint, surgie de nulle part manque me renverser. Surpris par cett absence de civisme de la part du conducteur, je lui signifie ma colère en frappant avec mon poing le coffre arrière de la bagnole. Toujours tête baissée, et ne me préoccupant pas de l’incidence de mon geste, je continue mon petit bonhomme de chemin. Mais voilà que les deux individus à l’intérieur n’ont pas apprécié mon geste. En moins de temps qu’il ne le faut pour le dire, j’ai deux gaillards qui me barre la route et en l’espace d’un battement de paupières, me voilà allongé sur le sol. Deux secondes et trois dixièmes plus tard je me retrouve debout et encore trop vite pour réaliser ce qu’il est en train de se passer, deux mains me saisissent et me garroche à l’arrière de la voiture qui démarre en trompe. Estomaqué je ne comprends plus où je suis. Au moment où j’ouvre la bouche pour questionner, un brouillard causé par l’impact de la main du colosse vient clore tout échange civilisé et tout ce que j’obtiens comme réponse :

- Ta gueule p’tit con, les questions c’est moé qui les pose !

C’était deux flics en civil. Il faut croire qu’ils s’ennuyaient. Après m’avoir servi la morale, ils m’ont laissé sortir. Sans s’excuser. 

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