Première erreur


    Ça fait, trois ans, onze mois, douze jours, neuf heures trente-six minutes et quarante-quatre secondes, que je suis peinturé sur le mur, en bas de l’escalier Lavigueur.


    Ma première erreur a été d’accepter cette invitation sur Facebook. À ce moment, ce qui m’avait incité à « accepter » venait du fait que nous partagions des intérêts communs. Tout comme moi, il aimait les sports de glisse, le vélo et la randonnée. Sans le savoir, je venais de me faire prendre dans un engrenage infernal.


    Ma deuxième erreur a été d’accepter l’invitation pour le party organisé pour son anniversaire. Selon l’événement sur Facebook il y avait soixante-six personnes qui avait confirmé leur présence et trente-trois qui était intéressé. De ce nombre, j’avais une quantité appréciable d'amis.es. 


    Ma troisième erreur a été de m’y rendre. L’endroit n’avait rien de rassurant. Peu ou pas d’éclairage, près de port de Québec. Au loin, une lueur a attiré mon attention. Je m’y suis dirigé. Arrivé à quelques mètres de mon objectif, tout a basculé très vite quand subitement un faisceau lumineux d’une rare intensité m’a aveuglé. Puis, deux mains m’ont alors saisi, sans que je sois capable d’offrir la moindre résistance. J’ai senti une violente douleur derrière ma nuque, comme une aiguille, et puis plus rien. Le néant.


    Plus tard, sans savoir exactement combien de temps il s’était écoulé, j’ai entendu une voix, grave, mais douce à la fois et qui me signifiait que j’étais passé du monde réel à celui de l’univers du jeu vidéo. Dématérialisée! J’ai fini par comprendre que j’étais à la merci d’un gamer qui agissait sous le pseudo de Krylon.  Dans le passé j’avais entendu parlé de cette légende urbaine qui mentionnait que des geeks de la programmation avait réussi à créer un jeu vidéo nouveau genre. Un algorithme qui permettait de capturer des gens afin de les insérer dans des canettes de peinture. Le but ultime du jeu étant de taguer son territoire sans se faire prendre. 


    Ma quatrième et dernière erreur a été de publier mon statut. Il ne me sera plus possible de réintégrer le monde matériel. Confiné à tout jamais sur ce mur comme stipulé dans les règlements du jeu. 

Ça fait trois ans, onze mois, douze jours et neuf heures quarante et une minutes et cinquante-quatre secondes que je suis peinturé sur le mur, en bas de l’escalier Lavigueur.




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