Un chat






Couchée sur l’accoudoir du divan, ma machine à ronronner se secoue, créant autour d’elle un nuage gris allergénique. Elle se réinstalle, les pattes sous son corps. Elle me regarde fixement comme si elle voulait m’attaquer, mais les ronronnements repartent de plus belle. 

La vue de ma fenêtre, juste derrière elle, me rappelle celle d’une maison où plus personne n’habite. Il y avait un autre chat, seulement un qui m’est maintenant inconnu. « Te rappelles-tu le bruit des voitures, les phares rouges, l’intersection au bout de la rue et le parc dans la pénombre ? », me demande la bête. « Te rappelles-tu que tu dormais rarement, là-bas ? » Je détourne les yeux de son regard perçant. Elle a raison. Je fixais les murs bleus d’une chambre de petite-fille jusqu’à l’épuisement, les yeux mouillés, couchée dans des draps d’enfant poussiéreux.

            « Nuage. C’était le nom de ton chat. » 

Si ça se trouve, Nuage vit encore, quelque part, chez une vieille dame folle aux chats, heureuse qu’un parent irresponsable ait décidé de s’en départir. Ou bien, Nuage ne vit plus, sinon dans la tête de sa maîtresse et dans le cœur d’une petite fille. Je n’ai que des morceaux de souvenirs qui me rappellent que Nuage faisait naufrage sur mon oreiller toutes les nuits. Qu’il était blanc et gris, de là son nom. Ma chatte me regarde. Elle ne ronronne plus. Elle a les sourcils froncés et me regarde avec colère. Elle me dit : « Tu sais, j’ai peut-être un sale caractère, mais je viens, moi aussi, faire naufrage sur ton oreiller toutes les nuits. Chaque soir, lorsque tu t’endors, tu me parles de Nuage et je m’endors moi aussi. »

 

Chez moi, tout est gris. 

Les rêves.

Le chat.

Les tapis.

 

J’ai même le cœur rabougri. 


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