À couper le souffle

 Emmitouflée dans mon écharpe et armée de mon téléphone en guise d’appareil photo, je pars à la chasse aux graffitis. Je suis sceptique, dans mon petit quartier paisible et peuplé de retraités, j’ai du mal à imaginer quelconque acte de vandalisme, ne serait-ce qu’un petit dessin sur  un poteau.

            Je laisse mes pas me guider vers une rue plus passante que la mienne. Ce qui n’est pas très difficile. Je souris, ça fait du bien d’être dehors et d’apporter un peu d’oxygène à mes neurones. Ma peau s’imbibe de soleil et je m’extasie devant les feuilles colorées sur les nombreux arbres qui se dénudent. Bébé s’agite dans mon ventre et j’y pose instinctivement mes mains pour lui transmettre mon bien-être.

            J’en ai presque oublié le but de ma promenade. Tandis que je me dirige vers le boulevard, mes yeux dansent de tous côtés, espérant trouver quelques dessins ou inscriptions sur une poubelle, un muret, un arbre, n’importe quoi.

Là-bas! Une trace de main faite à la peinture sur une benne à ordures. Je continue ma route et débouche sur le boulevard. Des travaux, des voitures qui passent à grande vitesse, toute cette agitation me bouscule tandis que j’ouvre mon manteau. J’ai chaud, je transpire. Je commence à ressentir une douleur lancinante dans le bassin. Aucun graffiti en vue. J’accélère le pas, j’ai hâte de retrouver un peu de calme.

Je tourne sur la première rue à droite pour remonter dans mon quartier. C’est joli par ici, avec les nombreux érables d’un côté et la petite rivière de l’autre. Si on oublie les quelques détritus qui parsèment les hautes herbes, bien sûr. Tout au bout, une école avec un petit parc. Je suis certaine d’y faire quelques trouvailles. Mais pour l’atteindre, je dois continuer malgré la lourdeur de mon corps qui me pèse de plus en plus. Gabriel a raison de m’appeler « Grosse Maman ». La rue monte plus que je l’aurais pensé, mon souffle est saccadé et mon cœur appelle à l’aide dans ma poitrine. Les mains sur la bedaine pour me donner du courage, je grimpe.

Enfin, je traverse le petit pont au-dessus de la rivière, celle qui passe en arrière de ma maison. Sur la balustrade en bois, une petite gravure qui ne signifie absolument rien pour moi. J’arrive près des jeux pour enfants et des tables à pique-nique. Quelques jeunes élèves y déambulent en attendant de se faire rappeler à l’ordre par la sonnerie de l’école. Je fais un peu tache au milieu de tous ces pré-ados, avec mon front luisant de sueur et ma bedaine qui dépasse de ma veste boutonnée juste en haut. Discrètement, je m’approche des bancs et des tables, parsemés d’écritures, comme je m’y attendais. Bingo. Des dessins et des phrases obscènes partout. Et au milieu de tout ce dégât, un petit dessin d’écureuil.

Je retiendrai deux choses de ma chasse aux graffitis : les dessins d’organes génitaux masculins sont toujours aussi populaires chez les jeunes; et marcher pendant une heure, enceinte de presque sept mois, c’est clairement ma limite.

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