Charlevoix tu m'auras


(c'est un poème)

 

La main de C est dans la mienne, on se balade on danse, la route sinueuse se déroule et on la suit sans déroger, des sculptures poussent dans l’herbe mais n’attirent pas notre œil, on les ignore pour se faufiler plutôt entre les écuries et la serre, on remonte une côte, on se tient la main et on danse vers la forêt la forêt sombre touffue. On atteint un bâtiment non-identifié, plus abîmé que les autres, un bâtiment jaune et vieux abandonné peut-être, et devant sa porte surprise une baignoire, sale la peinture écaillée, au fond de la baignoire une flaque d’eau, de la glace qui flotte vaguement on se lâche les mains. D’un coup le froid me brûle les doigts, instinctivement je serre les poings, la main de C agrippe le rebord de la baignoire, j’aperçois la mienne qui l’imite, on ne dit rien on regarde ailleurs, mais soudainement la baignoire se balance au-dessus du sol, avance difficilement, c’est parce qu’on la traine on la traine, on la traine on la traine. Le métal me coupe l’intérieur des mains, l’eau froide se déverse par le trou du bain et me dégoutte sur les pieds, transperce le tissu de mes chaussures imprègne ma peau, mes orteils se transforment lentement en glaçons. Je marche et C aussi marche, on danse et on perd presque l’équilibre, à cause de cette baignoire entre nous, on redescend la côte et on descend plus bas encore, hors du jardin hors du domaine, la rue nous attend, large et insurmontable, on la traverse en courant. La baignoire nous sépare, la rue est en réalité un chemin, le panneau me l’apprend, il indique chemin des bains, je ris, on court on court, on enjambe d’un bond la voie ferrée, envahie de mauvaises herbes les trains ont fini de passer, nous on passe encore avec notre baignoire et on arrive à la plage, le vent nous frappe il n’est pas gentil. Il est violent on s’arrête, on dépose le bain maintenant vide on s’y assoit tous les deux, malgré l’espace restreint on attend, les oreilles à l’air, rapidement la marée monte nos oreilles gèlent, le bain se remplit d’eau, l’eau nous détrempe, mes lèvres deviennent bleues, celles de C aussi pour se réchauffer nos lèvres se touchent, au fond du bain qui flotte et devant nous le fleuve s’ouvre, s’offre et s’étend aussi loin qu’un océan, on n’y voit pas le bout dans ma bouche ses lèvres goûtent le saumâtre de l’estuaire et dans mon ventre ça s’érode.    

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