Coton

 


Si je n’accorde aucune importance à l’autobus scolaire stationné sur la plage, c’est qu’il fait partie du paysage.


C’est mon faux-père, qui habite tout près, qui m’a amené ici la première fois. Nous sommes montés dans l’autobus pour regarder les rénovations que les propriétaires avaient fait ; murs peints en blanc, plus aucun banc et tout au fond, deux causeuses. J’ai dû reposer la question : « Comment s’est-il rendu jusqu’ici ? » plusieurs fois avant d’avoir un semblant de réponse. Regardant de l’autre côté du fleuve, à travers les fenêtres sans vitres de l’autobus, Coton a simplement haussé les épaules. Pour lui, comment l’autobus s’était rendu jusqu’ici, passé les champs, fossés et broussailles de berge importait moins que ce qu’elle était devenue. C’est une façon de voir ça.


Je dois dire que j’ai toujours admiré sa vision des choses. Faux-père, oui, et modèle tout autant. Je sais – et je n’ai jamais été aussi certaine de rien d’autre – que l’humour douteux, l’émerveillement des petites choses et la passion pour la nature me viennent de lui. Il a une façon de faire face aux imprévus qu’on ne retrouve pas souvent chez quelqu’un de son âge. « Vivre et laisser vivre », m’enseignait-il, plus jeune, contrairement à ma mère qui s’obstinait à vouloir tout contrôler, tout le temps. Ce n’est pas pour rien qu’il est parti.


En descendant de l’autobus, Coton a ouvert le capot et m’a pointé les amélanchiers qui avaient réussi à pousser à travers ce qu’il restait de moteur. Il m’a raconté qu’il était venu ici, l’été dernier, qu’il en avait cueilli un panier plein et qu’il avait fait de la confiture. « Je t’en donnerai un pot. », m’avait-il lancé avant de refermer le devant de l’autobus.


Nous avons continué notre balade le long du fleuve. Après quelques minutes, il s’est arrêté, fixant les vagues, l’autre rive et ses montagnes. Il s’est penché pour ramasser un morceau de bois blanc poli par les marées et l’a lancé à mon chien qui s’est élancé en faisant des confettis de sable derrière lui. Souriant, Coton s’est de nouveau tourné vers l’horizon. 


Je me demande toujours à quoi il pouvait penser. 

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