Lettre à Dawit Isaak

 

Pour Dawit,

Les mots peuvent-ils nous sauver lorsque nous sommes coincés entre quatre murs décrépits, traités comme les pires individus de l’espèce humaine? Ont-ils seulement encore un sens? L’écriture était une sphère à part entière de votre vie, elle l’est peut-être toujours d’ailleurs, mais on vous en a privé. Je n’ose pas imaginer comment on se sent lorsque ce qui occupait une grande partie de soi disparait. On ne peut pas réellement savoir tant qu’on ne le vit pas.  

Selon la Déclaration des droits de l’Homme , tous les hommes naissent libres et égaux en droit. Vous devez bien rire en vous remémorant cette phrase, ou alors elle vous laisse indifférente, avec le temps. Après tout, vous expérimentez ce qu’on pourrait appeler l’exception qui confirme la règle : vous avez été enfermé, mis en prison car vous avez usé de votre liberté, vous avez exprimé votre opinion et cela n’a pas plus à certaines personnes. C’est injuste.  

Votre devise est « Si tu as la possibilité d’écrire, fais-le ». Vous l’avez appliqué à la lettre et voyez le résultat. Ressentez-vous toujours de l’amour envers les mots alors qu’il vous ont conduit tout droit en enfer? Avez-vous fait la paix avec eux? Ou alors, il n’a peut-être jamais été question de colère; vous aviez déjà accepté votre sort. J’aimerais tant vous entendre. J’aimerais savoir si vous écrivez toujours, dans votre tête : si, la nuit, la seule façon pour vous de vous sentir libre est d’imaginer des scénarios, de formuler des bouts de phrases; de commencer des histoires sans fin. Peut-on encore être transporté loin de sa situation grâce aux mots? Ont-ils toujours ce pouvoir?

À quoi servent les mots si personne ne les lit? Comme tout message, ils ont besoin de deux partis : un émetteur et un récepteur. Celui qui emploi des mots sans que personne ne prenne le temps de poser ses yeux dessus n’est rien. Mais, vous avez la chance de toujours être lu. Cela peut sonner comme des paroles en l’air mais elles sont inscrites à l’encre; il s’agit d’une promesse. Nous ne laisserons pas votre liberté s’envoler.  






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