Lettre à Roberto Quinones Haces

 




Je suis prise d’une tristesse paralysante. Des pensées, des phrases apparaissent dans ma tête pour s’effacer aussitôt. Je dois combattre mon corps pour n’écrire qu’un seul mot. Je dois forcer mes doigts à taper sur les touches de mon clavier.

            Votre histoire me bouleverse. Je n’arrive pas à m’imaginer votre vie. Je me sens impuissante face à votre situation. Les mots ne s’écrivent pas, car je n’ai pas l’impression qu’ils vont changer quoi que ce soit.

Le silence n’est pourtant pas une option. Je dois transformer cette paralysie en mouvement. Trop de personnes dans mon pays restent dans leur confort. Ils ne se soulèvent que si les enjeux les atteignent personnellement. Plusieurs membres de ma famille ne votent pas ; ils ne se sentent pas concernés par la vie des gens moins fortunés. Nos droits et libertés nous semblent aller de soi. On oublie facilement que ce n’est pas le cas partout sur la planète. Jamais je ne pourrais m’imaginer devoir choisir entre le silence et la prison. Divulguer de l’information ne doit pas être un crime. J’admire votre courage pour continuer à vous battre pour la liberté de presse et la liberté d’expression dans votre pays.

Aider les humains à l’extérieur de ma province n’est pas quelque chose qu’on m’a appris. Je me rappelle quand ma mère se plaignait sur les levés de fond pour les enfants en Afrique. « Il y a des pauvres ici aussi », disait-elle. En revanche, je ne l’ai jamais vue porter un geste de soutien à l’égard des « pauvres d’ici ».

En tant qu’adulte, je crois qu’il est de ma responsabilité de m’instruire sur le monde et de me sensibiliser aux autres réalités. M’enfoncer la tête dans le sable est plus facile — malheureusement beaucoup choisissent cette option —, mais je ne veux pas vivre de cette façon.

Un jour, j’espère trouver la force et le courage pour utiliser mes privilèges à bon escient.

En attendant, j’écris.

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