Dis-moi ce que tu bois, je te dirai qui tu es



C’est moi ou on ne dort jamais très bien chez les autres ? J’ai passé la nuit à essayer de trouver un angle confortable à mon oreiller. Lorsque je sentais enfin mes paupières s’alourdir, Chewie se mettait à grogner contre des bruits inaudibles à mes oreilles humaines. Ça me fait penser : hier soir, au souper, Star racontait qu’une souris lui avait sauté dans le dos durant la nuit, il y a de cela quelques jours, et ça s'est passé dans la chambre en face de la mienne. C’est probablement à cause de cette histoire d'horreur que je n’ai pas fermé l’œil. Je remonte la couverture encore plus haut sur mon menton pour cacher la chair de poule qui recouvre l’entièreté de mon corps. Chewie grogne une fois de plus ; ça y est, c’est la fin. Je vais me faire grignoter le bout des orteils après que mon visage ait servit de trampoline pour rongeur.


Le son le plus mélodieux de l’univers résonnant de la cuisine me sort enfin de ma rêverie. Abandonnant l’idée de me laisser dévorer toute crue, j’enfile mes vêtements en vitesse et quitte la chambre, non sans un regard sous le lit à la recherche de l’ennemie jurée de la maisonnée. Chewie descend - déboule, plutôt - les escaliers, heureux d’aller retrouver nos hôtes.

-       Bon matin ! 

-       Coucou.

J’adore la copine de mon père ! Faut-il absolument abhorrer instinctivement le remplacement maternel ? Je m’en fiche. Je la trouve adorable.

-       Qu’est-ce que tu veux boire ce matin ? Un smoothie, un verre de lait, un jus, un café ?

Pour un réveil comme celui-là, j’accepterais de dormir en cuillère avec une souris pendant une semaine. Peut-être même plus. Star rit devant mon sourire rêveur et mes yeux dans la graisse de bines ; mon regard figé sur le moulin à café lui donne sa réponse. Elle me sourit, puis se penche pour faire sentir à mon chien ce qu’elle tient entre ses mains. Elle s’adresse à lui comme à un bébé :

-       C’est du ca-fé.

Star sort ensuite d’une armoire une cafetière grise, plus haute que large, à la base octogonale et la place sur l’un des ronds du four. C’est beaucoup plus charmant de moudre soi-même son café et ensuite le chauffer sur le poêle que d’insérer une dosette dans une machine Keurig. Il paraît aussi que le goût est mille fois meilleur dans une cafetière italienne. 


Star tend la tasse à mon être endormi et mes pupilles se dilatent. L’odeur envahie mes narines et circule jusqu’à mon cerveau en veilleuse, suppliant mes mains d’approcher au plus sacrant le liquide fumant à mes lèvres. Cette odeur me rassure. Elle me rappelle mon enfance et de vagues souvenirs de parfum d’homme mêlé à celui de la cigarette. Chaque gorgée me rappelle les millions que j’ai prises jadis, mais chacune semble être la première depuis une éternité. Le pire dans tout ça, c’est que je finis toujours par boire mon café froid, puisque j’essaie de le siroter le plus longtemps possible. Pas ce matin : j’avale à grandes goulées le meilleur café de ma vie.



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