Tire-toi
une bûche. Je suspends mon jogging et retire mes écouteurs
en me retournant. Pardon? Un homme dans la cinquantaine, aux vêtements
défraichis, est posé sur un tronc d’arbre devant une télévision éteinte. Je ne
sais pas ce qui me surprend le plus dans ce décor entre la dizaine de troncs
d’arbres sciés, l’éparpillement de téléviseurs d’époques, la quinzaine de
chaises ou la maison visiblement abandonnée devant laquelle le regroupement
loufoque d’objets se tient. Allez, ma p’tite, n’aie pas peur. Tire-toi une
bûche. On m’naise, c’est sûr. Je cherche des yeux un indice ou le regard
complice d’un passant qui aurait pu observer la scène, mais rien. Rien à
comprendre. L’homme semble avoir déjà oublié ma présence, absorbé par son écran
noir. Je suis sur le point de reprendre mon jogging, abandonnant l’énigme, quand
un grand monsieur plus âgé arrive. Élégant, il porte un long manteau noir, un
chapeau melon et une canne. Il me lève son couvre-chef et, saluant l’autre homme,
s’assoit sur une chaise devant un second téléviseur.
–
J’ai manqué quelque chose?
–
Nah, ça vient de commencer. Tu as apporté ce que je t’ai demandé?
Le
monsieur âgé glisse sa main dans la poche de son manteau et en sort une
tablette de chocolat qu’il tend à son ami. À l’orange, tu me connais si
bien. Les deux hommes s’esclaffent devant le cube démodé. Trop intriguée, je
me tire une bûche et me joins aux deux hommes. Me prêtant au jeu, je fixe un
écran, et puis un autre. Il ne se passe absolument rien. À quoi tu
t’entendais? Comme si la télé débranchée allait me révéler un secret ou
qu’Harry Potter allait apparaître dans l’écran. C’est ridicule! Frustrée, je me
lève, enfile mon capuchon et reprends ma course comme si de rien n’était.
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