Jeannot devant l'auto

 

L'étudiante en littérature déambule dans les rues de son quartier, lorsqu'elle découvre une peluche attachée au pare-chocs avant d’une camionnette Tacoma. Le lapin fixe la jeune femme et semble se questionner sur son rôle, son utilité à cet emplacement. Jeannot a l’habitude de réconforter les enfants à l’heure du dodo. À quoi s’attend-on de lui à cet endroit ?

– Je dois servir à divertir les gens, les petits comme les grands. Dès qu’on m’aperçoit, un large sourire se dessine sur leurs visages. Leurs yeux s’illuminent. Je ramène la joie dans leur cœur. L’espace d’un instant, ils oublient tous leurs soucis et un sentiment de complicité se crée avec leur partenaire de marche. Les humains me trouvent bizarre, mais je leur apporte une étincelle de bonheur. Du Disney à peu de frais.

– Je sers à protéger la voiture. Mon propriétaire est maladroit lorsque vient le temps de se stationner. Il percute sa roulotte, puisqu’il connait mal les distances de son véhicule, malgré toutes ses années. Combien de fois l’ai-je entendu sacrer en découvrant les égratignures sur sa carrosserie ? Désormais, c’est moi qui encaisse les coups et j’en tire de la valorisation. Tout le monde gagne !

– Je sers à attirer l’attention. Mon humain apprécie qu’on le remarque depuis sa jeunesse. Il aime se différencier des gens. C’est pour cette raison qu’il a brûlé le pont de sa rue avec ses pneus. Que ses fenêtres sont embuées par la culture de ses plants de pot. Un trentenaire dans un éternel corps d’adolescent. Lors de ses déplacements à bord de son bolide, il écoute religieusement Radio X. Il a soif de liberté. Les gens dorment au gaz et avalent du prédigéré, mais lui, il a compris la vie.

– Je sers à réparer une vieille blessure. Jamais il n’oubliera cette chaude après-midi d’été, où il a frappé un enfant. Une fillette d’à peine trois ans qui courait après son ballon. Le choc fut brutal, impardonnable. Ses journées demeurent hantées par cet accident. Il s’en veut, se maudit. Un toutou repose à l’endroit de l’impact. En guise d’hommage.

Repose en paix petite Léa.