Trois heures que je marche, je suis affamé. Autour de moi que des montagnes, à perte de vue. Avec son doigt, Chen, mon guide, m’indique notre refuge. Là-bas, tout au fond de la vallée. Il semble si proche, pourtant deux longues heures seront nécessaires pour y arriver.
Bien installé au sol, assis en indien, entouré de femmes du village, on m’explique de quoi sera composé le repas du soir. Nous dégusterons des rouleaux de printemps préparés selon une méthode traditionnelle. Dans un premier temps, la cueillette des ingrédients en forêt. La badiane et les feuilles de citronnier seront les objectifs de notre quête.
Accompagné de mon guide, me voilà donc dans un boisé débordant de générosité. Chen a le regard d’un chasseur. Lentement, il avance à travers les branches, scrutant constamment les environs. Mon chandail me colle au dos. Des gouttes de sueur ne cessent de venir brouiller ma vue. Chen me fait signe de m’approcher. J’obéis. Il me pointe la cime d’un arbre qui regorge de badiane. Habile grimpeur, Chen revient avec une pleine poignée de cet aromate convoité. Au passage, il en a profité pour capturer quelques grillons. Fièrement, il me les montre et me mentionne que nous les mangerons au souper. Perplexe, mais curieux d’explorer de nouvelles saveurs, je lui confirme que j’accepte, après tout pourquoi voyage-t-on?
Une longue colonne de fumée nous annonce que la femme de Chen a commencé la préparation du repas. À l’intérieur, un foisonnement d’arômes embaume l’air ambiant. Le feu, enclavé dans un îlot composé de pierres, dégage une chaleur réconfortante. Au-dessus, une marmite aux parois noircies dans lesquelles y est à cuire une délicieuse soupe. Chen étale directement sur le sol le résultat de notre chasse aux aromates. Il place les grillons dans une poêle, y verse de l’huile et les met à frire. Kim armée d’un couteau hache les feuilles de citronnier qui, au contact de la lame, libérèrent un doux parfum, prélude d’un repas qui promet d’être des plus savoureux.
Tous assis à table, nous buvons quelques bonnes rasades d’alcool de riz. La soirée s’annonce festive. Mon statut d’invité me confère certains privilèges, comme celui d’être le premier à manger les grillons. Tous les regards sont tournés vers moi. J’en saisis un, le plus petit, et le porte à ma bouche. J’hésite à le croquer, mais déjà son goût salé envahi mes papilles me rappelant la saveur des bretzels. Je me décide et d’un coup de dent j’écrase l’insecte. Agréable. J’en reprends un autre. Un kaléidoscope de saveurs nous accompagne tout au long de ce repas mémorable.
Les souvenirs s’expriment le plus souvent sous forme d’image. À chaque fois que l’odeur de l’anis étoilé s’invite dans mes narines, je ferme les yeux et me replonge dans le passé de ce doux souvenir encore présent en moi.
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