Étrange filature
Je
pars à la chasse aux graffitis dans ma banlieue mi-urbaine, mi-campagnarde en
suivant mon instinct de prédateur. Pour mieux les repérer, il faut savoir qui est
le graffeur, connaître ses habitudes et les endroits où il aime flâner.
Pour en avoir aperçu quelques-uns en action, ils
sont jeunes et sociables. Ils s’habillent en affichant des signes distinctifs
d’appartenance à leurs groupes. Ils sont
de rapides coureurs et se déplacent en portant un sac à dos pouvant contenir tout
leur matériel d’artiste.
. Je m’aventure à pied vers
le skate parc. Premiers signes de leur présence, une boîte postale
taguée des lettres S E S H. Je suis sur
une bonne piste, ces traces m’apparaissent comme celles des loups qui marquent
leur territoire.
Surprise
de constater qu’au parc, il n’y a pas beaucoup d’indices de leur présence. Un
gardien posté près des jeux, veille à la propreté des lieux. Je me dirige un
peu plus loin vers le pavillon des spectacles qui est entouré de canettes de
coke, mégots de cigarettes, bouteilles de bière vides. Je remarque que les murs
de pierres portent d’anciennes traces de peinture et qu’elles ont été
nettoyées. Je peux flairer leur présence.
Je bifurque vers la piste cyclable asphaltée qui pourrait servir à leur fuite en skate. Elle est faiblement éclairée ce qui faciliterait leur fugue. Je découvre quelques tags dessinés sur une clôture « brise vue » en mailles. Il semble que le travail a été fait en deux temps et par des artistes différents, un novice et un plus expérimenté. Ce dernier a même apposé sa signature sur son œuvre. Je n’arrive pas à comprendre le sens de leurs dessins. Je m’égare et rebrousse chemin vers la bibliothèque et l’hôtel de ville. Auraient-ils dessiné sur les grands murs de briques des édifices publics? Encore une fois, tout est propre. Je m’interroge sur la réelle présence des graffeurs dans ma ville. Sont-ils une légende urbaine? La présence policière est-elle trop forte? Ont-ils été extradés vers des villes qui accueillent et font la fête aux grands muralistes?
Je
prends des risques à m’aventurer dans l’arrière-cour d’un bâtiment, vers les recoins
sombres et glauques des bacs à ordures. Plusieurs poubelles forment une ligne
jusqu’à un muret en ciment. Et là, je découvre enfin un trésor caché! Deux blocs
de béton portent des paysages naïfs d’enfants, un champ de tournesol et une
forêt fleurit aux écureuils.
Mes
graffeurs ont reçu toute l’attention des animateurs des camps de jour du Musée
et nous ont laissé quelques traces de cette journée de bonheur.
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