J’ai la certitude d’une plage d’hiver. J’ai la conscience des pièges. Je sais le bruit absent, pourtant je l’entends. Pourtant je le touche.
Tout
autour de ma tête, des blés de mer, une auréole. Moi en madone salie, cheveux
de sable humide. Moi en pâture aux vents vicieux, bourrasques sifflantes,
infimes lames. Pourtant en moi une sorte de paix.
Les
blés craquent. Dans un ploiement assourdissant, ils se brisent, puis se
redressent. Je tente de me lever, le poids du bruit me plaque au sol. Sous le
poids du bruit, je ne pèse plus rien.
De
vent, d’eau, de gris, les blés pourrissent et je reste. Ne reste qu’un bruit
fantôme, un simple écho perdu se frappe contre mes alvéoles. Au sol, une
poussière, odeur d’été. Moi traits calqués, cheveux de cendres, blés de sel.
Les soleils ne se sentent plus. Grouille l’hiver au cœur du fleuve pour qu’ici
tout se meure en paix.
Je
sais mes mains, je sais mes pieds, pourtant je ne sens rien. Pourtant j’oublie
et quelle douceur.
Passée
la mouvance des algues, je ne me lève plus. Si mon corps s’assoupit, je le
quitte et je veille. Je vais chatouiller l’hiver grouillant, plonger au cœur du
fleuve. Je suis la fugue immobile. Sous le poids du bruit je ne pèse plus rien.
Je ne pèse plus rien, je me diffuse, vapeurs pastel, parfums sucrés. Je vais
voir jusqu’au bout des vents jaloux. Je ramène les poussières des blés d’hiver,
de mer, des blés de toutes les saisons de mon corps. Je reviens et me trouve,
échouée sur la plage des pièges, celle où je ne mourrai jamais.
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