Le vent d'automne, puissant balayeur céleste, dévale la pente de la rue sans contrôler sa vitesse. Il dérape sur les murs lisses du centre d'hébergement, se cogne aux vitres aveugles, glisse sur la carrosserie des voitures, accélère dans la côte. Son souffle est impitoyable.
Il n'épargne pas un petit chausson égaré, accroché à la branche d'un arbre planté tout près de la bâtisse. Bien visible sur sa branche dénudée, le soulier esseulé attend son propriétaire.
Incapable de s'abriter derrière une des rares feuilles qui résiste encore, incapable de descendre de son perchoir pour reprendre le chemin de sa vie, le chausson pirouette dans tous les sens, la fourrure ébouriffée. Il sait que sa place n'est pas ici. Il s'ennuie de son jumeau et de mon trésor, comme dit tendrement maman.
Où sont-ils ? Pourquoi l'ont-ils oublié sur le bord de la rue ?
Il veut réentendre les balbutiements maladroits du petit, savourer la présence des amis de l'enfant : l'ourson désarticulé, les blocs multicolores, la doudou, devenus ses amis à lui aussi.
Qui se cache derrière ces murs voisins ?
Personne ne regarde par les fenêtres de l'étrange maison de briques. Aucun bruit n'émerge de ce cube froid. Les lumières brillent jour et nuit. Le jardin, hautement clôturé en fer forgé, n'abrite que des balancelles vides, des tables de pique-nique recouvertes de feuilles mortes et une solitude balayée par des tourbillons carnavalesques.
Qui pourrait l'aider ?
Un fauteuil roulant vient de sortir du centre d'hébergement et se dirige vers son arbre. Une grand-maman chaudement emmitouflée dirige la machine. Un espoir pour le petit chausson ? Le bout des pieds de la mamie aux cheveux blancs émerge de la couverture chaude : deux ovales roses, doux comme de la mousse aux fraises, attendrissants comme les joues de mon trésor. En passant à côté de son arbre, deux petits chaussons roses regardent médusées, le léger soulier d'enfant.
Il tremble. Il ne veut pas comprendre. Son cœur pleure.
enfance ou vieillesse
des pas fragiles d'incertitude
une marche hasardeuse
toujours
en petits chaussons
J'aime que tu finisses tes écrits par un petit poème comme tu avais fait dans le recueil Convergences ou Confluences, je ne me souviens plus, hi hi, mais bref, cela te réussis, je trouve. Tout le sens de l'histoire est résumé dans ces quelques vers qui reflètent une belle profondeur...
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