Dans
une boîte, pas à Bologne, décembre 2015
Du sang au sol, du vent artificiel
sous des néons trop nombreux.
J’odeur les carcasses de porcs qui
se cachent sous des draps de plastique bleu recyclage.
Je traîne des muscles dans un bac,
je les tire vers un bol à découpe qui tourne sur lui-même.
Broyer la glace.
Broyer la viande.
Ajouter de l’eau.
Mélanger.
Incorporer des épices.
Faire tourner.
Ajouter la chapelure.
Mélanger deux minutes.
Transférer dans un contenant sur
roue.
Élastique, la pâte de viande crue
bien émulsionnée.
Prêt à être extrudée.
Elle atterri dans le poussoir.
J’alimente la machine.
*
Entre
Rivière-du-Loup et Trois-Pistoles, Noël 1999
Au matin de mon anniversaire, je
me garde au frais sur la céramique de la salle de bain. J’enroule ma chair autour
de la toilette. Mon estomac fragile ne coopère plus; les buffets du temps des
fêtes sont trop nombreux. Toute la nuit, la nourriture a remonté mon corps. Je
n’ai pas la force de sortir de mon état comateux.
On est venu frapper à la porte
pour m’offrir le 7up des nauséeux, s’en est suivi la toast au beurre, le
bouillon de poulet, la tisane au gingembre. De toute évidence, mon dixième
anniversaire sera pauvre en vitamines, sans glucide, sans gras ni sucre.
*
Dans
une boîte, pas à Bologne, décembre 2015
Des boulettes perdues sur le béton
mouillé.
L’ail et les herbes parfument la
viande.
Le cochon en raffole.
Le poussoir ingurgite tout.
Une vis sans fin.
Le réservoir expédie vers
l’extrudeur.
En faire des petits bouts dodus.
Le temps des fêtes approche.
Les saucisses cocktail constituent
près de la moitié de la production.
À la sortie, elles galopent sur un
convoyeur déchainé.
Traversent un tunnel de CO2.
Se dirigent tant bien que mal.
Des plateaux de styromousse les
attendent en bout de ligne.
Comme une gondole, ils les
transporteront tout doucement.
Dans une pellicule plastique.
Sous des fers à chauffer géants.
À travers un tunnel d’air chaud.
Rétrécissement du plastique.
Une fenêtre toute lisse apparaît.
*
Entre
Rivière-du-Loup et Trois-Pistoles, Noël 1999
Sur le sol de la salle de bain du
deuxième. Je refuse de bouger depuis des heures, trop occupée à faire la
sieste-interrompue.
La porte s’ouvre, ma cousine est
arrivée. Elle referme aussitôt en m’apercevant, moi et mon odeur verte jaunis.
Le léger mouvement d’air qu’elle a provoqué a fait entrer des arômes de
cuisson.
Dans une lenteur jamais vue, je me
soulève. Une fois assise, mes fluides corporels se replacent. Je respire
profondément.
On frappe à la porte. Ma sœur me
présente un verre de jus bleu que je m’empresse d’ingurgiter. « Prend ta
douche, tout le monde est là! Maman a préparé ton repas préféré en plus! »
J’applique à la lettre les
indications que ma sœur me donne. Salopette rouge au dos, je reprends vie. Je
me retrouve assise à table devant un bol de ragoût. Sans préambule, je déguste
chaque composante du plat avec appétit.
Les chants d’anniversaire débutent
dans la cuisine. Ma mère dépose la bûche de Noël devant moi.
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