Klostʀofɔbi
Je
suis dans la confiture de ma chambre d’ado, là où tous mes rêves m’ont portée,
là où ils sont tous morts aussi. Je vois leurs cadavres partout ; étouffés dans
mon lit, pendus dans mon garde-robe, y’en a même qui se sont fracturés le cou
pour s’encercueiller dans mes tiroirs. Je les regarde et je ne sens rien. Tout
ce que mes narines capturent, c’est l’aseptisant. C’est ça oui, tout est
aseptisé. On a désinfecté ma chambre, ouvert les fenêtres pour que la
putréfaction exhale son parfum ailleurs. C’est froid et aseptisé. Je suis squelletée
dans la chaise en bois au bord de la porte, j’ai les lèvres cousues. Un
instrument de chirurgie glacial m’empêche de cligner les yeux, je suis condamnée
à la confrontation.
La
maison est pleine de silence. Quelque chose craque. Ma mère? Elle est en bas.
Je me défonce les poumons : VIENS ME CHERCHER MAMAN J’AI FROID! Y’a pas de
sons qui se rendent au bout, mes mots rament, se noient dans la bave abondante,
salée.
Mademoiselle
Billancourt entre dans la chambre, elle s’assoit devant moi, miaule. C’est
strident, ça « iiiiiiiiiiiii » en écho. Elle veut que je fasse quelque
chose, elle a faim, elle meurt de faim, personne ici ne la nourrit. Je suis
paralysée, je pleure d’impuissance. Elle s’impatiente, ne comprend pas, miaule
plus fort plus fort plus fort !
Moi je pleure, toujours plus faible, plus
faible,
plus
faible.
Elle n’est pas empathique la chatte, elle est fâchée. Si elle décide de me
manger, elle en serait capable, personne ne m’entend. Elle me mord un mollet.
Je
suis de retour dans la poche de hockey de mon frère, celle dans laquelle il
m’avait claustrée quand j’étais enfant. Je me tortille, je tape dans le sac,
comme la petite fille qui boxe dans mon ventre. S’il vous plait, rangez-moi pas
avec le stock d’hiver, moi aussi j’ai envie de printemps.
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