Le buffet de toutes les occasions

 

           Le buffet de sandwich sans croûte et de crudités m’apparaît inapproprié. Il est souvent servi dans des fêtes. Pourquoi est-ce la même nourriture pour des funéraires que pour des célébrations ? Les traiteurs doivent faire une fortune au Québec ; les Québécois en consomment à chaque occasion.

Les assiettes en carton et les verres en plastique brisent un peu la gravité de l’évènement. J’enchaîne les pizzas froides pour éviter d’avoir les mains et la bouche vides. Je me retiens d’aller aux toilettes depuis plusieurs minutes déjà. Il n’y a pas beaucoup d’espace pour se déplacer entre les tables dans ce sous-sol de maison funéraire. L’idée de croiser un autre regard désolé me donne l’envie de rentrer chez-moi. Ces personnes ont sûrement plus de peine que moi.

Ma sœur me propose des carrés de fromage jaune comme si c’était de la grande gastronomie. Ça goûte le plastique. Les traiteurs doivent prendre des restes de fromage oubliés sur le comptoir et se disent qu’on ne remarquera pas s’ils les coupent en bouchées avec un cure-dent comme décoration.  

Mon petit cousin échappe de la sauce à crudités sur sa chemise blanche. Sa mère essaie tant bien que mal de l’éponger, mais une subtile trace persiste d’une belle couleur rose. Elle le chicane ouvertement. Je détourne le regard.

Après que tout le monde se soit rassasié, ma tante nous demande si nous voulons rapporter des restes. Je refuse poliment ; je me vois mal manger de la nourriture des funéraires de mon grand-père dans ma cuisine. C’est absurde.

 Elle insiste. Une tablette de mon frigo se retrouve donc envahie par d’immenses bols en rond à moitié plein.

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