Souper de fête

 







Souper de fête

 

la neige se dépose sur

tes épaules 

tu tournes tu danses

sous les lampadaires

de la rue Saint-Jean

comme une ballerine de boîte à musique

 

on court on

trébuche

jusque dans la sueur du Murphy’s

l’air imbibé de graisse

dénoue l’estomac

bruyant

le band enterre

notre commande

nos deux poutines en tête à tête

 

je call un pichet de Keith red

que j’avale à grande langue

comme un chien

je fais l’aller-retour

entre tes yeux

et le sel de table


tu parles la bouche pleine

de voyages

ta tête décapotable

moi j’ai les idées lourdes

pognées sous ma tuque

 

je te paye un dessert

prends une bouchée

de mon cou

comme si c’était le dernier morceau

de gâteau au fromage

 

le serveur apporte la facture

avec un coup de poing dans le ventre

le cœur me monte

à la gorge

c’est pour bientôt

tu me commandes un verre d’eau

je pleure dedans

 

tu pleures aussi tu dis

laisse faire le gris

tu m’expliques la neige

qui fond sous nos pieds

sous la table

un petit lac

un miroir

 

la soirée est pas encore finie

que ça sent déjà

le souvenir

c’est long six mois

c’est loin six mois

ça pince fort

six mois

 

c’est long quand on dit pas

quand on retient

nos mains

les miennes brûlent dans l’huile

de ne pas brûler

sur tes seins

 

avant de partir

tu m’offres une plante

une succulente

je la nomme délicieux

on rit fort

dehors il fait noir il fait

froid

tu pars avec la lune attachée à ton bras 

 

***


j’ai bu encore j’ai pas

arrêté

de taper du pied

j’ai dormi souvent

sur le divan des ami.es

parce que j’avais peur

des couteaux dans ma cuisine

 

combien de fois j’ai closé le Murphy’s

écrasé dans mon calepin

je jouais à me déconstruire

une bière à la fois

et je nous inventais 

un vers à la fois

 

c’est dans les draps d’un poème

qu’on a fait l’amour

pour la première fois




 

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