Déjà presqu’une heure qu’elle attend. Plutôt sereine à son arrivée, elle ne tient maintenant plus en place. La chaise en plastique sur laquelle elle est assise lui fait mal au coccyx et l’air qui l’entoure est de plus en plus chaud et moite. À moins que ce ne soit que son imagination. Laissant derrière elle son sang-froid et sa décontraction habituelle, elle se lève et se met à arpenter de long en large le mur du fond, grattant régulièrement ses cuticules. Elle remarque à peine la masse humaine qui lui tourne autour dans un tourbillon de valises, d’éclats de voix et d’odeurs de renfermé et de parfums bon-marché. L’écran d’informations sur les arrivées n’a toujours pas changé. Le vol a plus d’une heure de retard. Le bleu clair et intense de ses yeux scrute la grosse horloge au fond de la salle. Il devrait arriver sans plus tarder.
Bouffée de chaleur. Elle enlève son coton-ouaté bleu marine où l’inscription jaune « Juste de la fucking marde » a fait sourciller deux vieilles pies quelques minutes plus tôt. Elle l’avait mis en se disant que ça le ferait rire, mais tant pis. Elle se frotte les yeux, un peu assommée par le brouhaha étourdissant qui règne dans la salle. Heureusement qu’elle ne s’est pas maquillée, elle n’ose même pas imaginer les dégâts que ça aurait pu faire sur son visage déjà cerné. Mais encore une fois, ça l’aurait probablement amusé de la retrouver dans cet état. Combien de temps s’est écoulé depuis la dernière fois où elle a pu le serrer dans ses bras, caresser ses cheveux, respirer l’odeur de biscuits qui émane toujours de son cou? Une éternité. Trop longtemps.
Une inscription clignote sur l’écran et attire son regard. L’avion a enfin atterri. Le temps de récupérer sa valise et il sera là, avec tout son amour, sa joie débordante et son sourire craquant. Elle pense à toutes les merveilleuses journées qui les attendent, juste tous les deux. Sa respiration devient saccadée, son cœur danse dans sa poitrine à un rythme effréné. Elle a tellement hâte.
Elle aperçoit sa silhouette à travers la porte vitrée. Son tout petit corps traine une énorme valise derrière lui. Elle lui fait des grands signes, ses yeux bleus mouillés d’émotion. Leurs regards se croisent, un rayon de soleil passe sur le visage du jeune garçon et il court aussi vite qu’il peut malgré le poids de son bagage. Il saute fougueusement sur elle, enfouit sa douce chevelure dans son cou et elle le serre si fort qu’elle sent que son cœur, son corps entier va exploser.
- Tu m’as manqué, Mamy.
- Toi aussi mon chéri, toi aussi, murmure-t-elle doucement, emplissant ses narines de la meilleure odeur de biscuits du monde.
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