LE CHEMIN À REBOURS Publié par Christine Michaud le septembre 27, 2020 Obtenir le lien Facebook X Pinterest E-mail Autres applications Antoine a rendu l’âme cette nuit. Doucement dans son sommeil, son souffle s’est éteint. Rien ne présageait que la fin survienne déjà. Le crépuscule de sa vie a décliné sobrement. Ce matin, Mélissa se retrouve à la gare. En automate, elle traverse cet espace où des centaines de passagers vont au gré d’activités diverses. Cependant pour elle, ici se joue une tout autre scène. Celle du retour au village natal. Une croisade pour l’au revoir d’un grand-père. Les cheveux ébouriffés d’un réveil abrupt et vêtu en tenue décontractée, elle erre en somnambule au milieu de cet univers bien synchronisé. Assommé par la nouvelle matinale, son corps vagabonde tandis que son esprit rôde vers le patriarche tant aimé. Un simple sac à dos à l’épaule pour bagage. En la regardant, on croirait que le minime objet contient toute la lourdeur d’une vie. On devine à son errance, le poids du chagrin qui l’habite. À travers ses lunettes, un brouillard obstrue sa vue. Ce mur épais érigé à jamais. Cette falaise de souvenirs amassés au fil des années. Une finalité. Dans quelques minutes, elle sillonnera le chemin à rebours de sa vie. Brassée par les soubresauts du train, la jeune adulte revisitera son enfance qu’elle a partagée auprès de son grand-père. Berceuse de mémoire, le convoi agitera son esprit et reconstruira la route des vingt dernières années. De sa candeur d’enfant à sa maturité, des brindilles de mémoire surgiront. Toutes plus joyeuses les unes que les autres. Bien isolée dans ses pensées, rien n’aura d’emprise sur elle, car une vie s’est arrêtée à l’aurore et c’est là qu’elle veut figer le temps. Meubler cet espace de cabrioles, d’espiègleries, de découvertes, et de tendresse qu’Antoine a nourri à son égard. S’habiller le cœur de bonheur. Repousser les larmes. Alléger les âmes. Les kilomètres défileront au ralenti. Elle prendra son temps. Rien ne sert à escamoter cette rencontre, seul à seul avec un des premiers hommes de sa vie. Elle se laissera emmailloter des bras robustes et chaleureux qui l’ont tant câlinée. Cela fera du bien à son cœur saccagé. La tête appuyée contre la fenêtre, elle imaginera l’épaule de son grand-père venir à la rencontre de sa joue. Lorsque l’étranger à ses côtés, dans son sommeil, touchera sa main par mégarde, elle se remémorera les doigts de son aïeul au creux de sa paume. Un voyage d’émotions entre Antoine et elle. Un siège d’évocations d’hier. Puis soudain, un cri retentit dans cette enceinte d’aller-retour. — EN GARE, DIRECTION ST-MALACHIE. C’est l’heure, l’heure de cette traversée en duo, de douceur et de tendresse. Elle se l’octroie. Ce soir, la tribu sera déjà réunie, et aucune place pour ce genre de rapprochement intime avec Antoine ne se présentera. Elle connaît la valeur de ce moment et ne veut en aucun cas l’altérer d’une manière ou d’une autre. Ce cocon lui appartient pour les trois heures à venir. Direction, émotions. Commentaires
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