Un fantôme perdu dans le novembre
Le sac plastique s’accroche désespérément à la
branche de l’arbre.
Il a eu vent de la rumeur à son sujet; ici aussi, il
sera banni.
Il s’accroche désespérément parce qu’il prend
conscience de la chance qu’il a de se retrouver coincé là, lui qui se sait trop
bien à la merci des intempéries.
L’autoroute à proximité aurait pu l’avaler. Pire, on
aurait pu le recycler.
Du haut de sa bonne fortune, il s’imprègne de l’air
gris et des nuages de pluie.
La saison tombe plutôt bien, croit-il. Ils me prendront pour l’un de ces foutus
décors d’Halloween, pour un fantôme, tiens! Je suis un fantôme.
L’envie le rend arrogant. D’un fantôme, il ne
possède ni la noblesse, ni la tristesse.
Ni la tristesse, si ce n’est qu’une lucidité acide
envers sa propre désuétude.
Il ne sait pas les études, les sciences qui le
condamnent, mais sa fatalité est apprivoisée.
Par contre, il aime les libellules.
Elles sont
élancées, distinctes et précises. Moi je n’existe qu’à grands traits.
Le sac plastique voudrait bien, comme la libellule,
avoir contrôle sur ses envolées, mais à l’image du poète, il se laisse porter.
Il stagne aussi parfois.
Il joue à l’oisiveté, mais se veut utile en secret. Il
tente d’avancer à travers ses contradictions, bon gré, malgré tout.
Si l’on s’attarde à l’essence, le sac plastique n’a
rien qui ressemble de près ou de loin à de l’ambition. Désabusé, il ne
demandait qu’à avorter. Qu’à faire autre chose, qu’à voler comme une libellule.
Il voudrait pleureur autre chose que la pluie.
Le vent maintenant tombé, il n’a plus l’air de vouloir
s’accrocher à la branche.
Il veut respecter la gravité, celle de la situation.
Il abandonne, pendu dans l’ombre de ce qu’il aurait
pu être.
Voler comme une
libellule.
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